Mangeons-Local.bzh est un annuaire gratuit et ouvert à tous… à destination des producteurs « alimentaires » de toute la Bretagne. Nous avons du faire le choix de cette limitation à l’alimentaire, car le champ d’action était sinon trop vaste pour les quelques citoyens bénévoles que nous sommes. Néanmoins, nous avons souhaité ici mettre en avant une productrice de produits de qualité, non alimentaire. Et nous le referons, en espérant que ça vous plaise ! 😉
Interview de Dominique, artisan savonnière à Douarnenez.
Le nom de son atelier ? Terre de l’Île !
Bonjour Dominique, vous avez souhaité, pour notre plus grand plaisir, nous parler de votre métier. Vous êtes Artisan Savonnière à Douarnenez. Pour commencer, expliquez-nous ce qu’est une Artisan Savonnière ?… pourquoi avez-vous décidé de faire ce métier ?… depuis quand ?
Bonjour Steven 🙂
Je patouille dans les huiles depuis de nombreuses années. Mon premier métier était hydrothérapeute. J’ai suivi une formation dans les Alpes de Haute Provence il y a maintenant 20 ans, j’y avais des cours d’aromathérapie, de phytothérapie… J’avais 18 ans ! Une vraie découverte.
Plus tard, je me suis fortement intéressée aux soins traditionnels de l’Inde. J’ai alors étudié l’Ayurvéda à l’institut européen d’étude védique, années pendant lesquelles j’ai beaucoup appris sur l’utilisation des plantes et des huiles, chacune d’elles séparément et leurs associations offrent des propriétés spécifiques.
En tant que praticienne de soins ayurvédiques je me suis penchée sur l’idée de fabriquer moi-même mes huiles, c’est alors qu’en fouillant sur le net, je suis tombée sur des sites et des forums dédiés à la fabrication des cosmétiques « home made ». Dans un article il était question de fabriquer soi-même ses savons, la qualité vantée du produit, les innombrables possibilités tant au niveau des formulations, mais aussi les aspects esthétiques des savons étaient comptées. Je suis simplement tombée en amour.
Je suis très sensible depuis des années au fait que chacun puisse construire, fabriquer et consommer selon son idéal de vie et j’ai senti que le savon pouvait m’y conduire.
J’ai alors décidé de devenir artisan savonnière. L’artisan fabrique avec ses petites mains, en y mettant tout son cœur, pas dans l’optique d’un rendement industriel, à mon sens l’artisan garde en tête de produire moins mais a le désir de proposer un produit de qualité.
Être artisan-savonnier c’est pour moi une profession qui comble mes besoins de création. Quand je crée une formule je pense parfum, je pense couleur… Aussi, lorsque j’expose mon travail au public, je réfléchis mille fois à la façon dont je vais m’y prendre pour présenter le savon, cet objet qui pourrait paraître simple et banale, je souhaite le rendre beau au regard des gens. L’importance que je porte à tout cela vient sans doute de mes moments passés dans l’univers de la poterie, que les objets soit façonnés à des fins utilitaires ou artistiques c’est un travail que j’admire.
Aussi j’ai deux enfants, être en harmonie avec mon temps de travail et le temps que je partage avec ma famille, c’est capital. En créant la savonnerie artisanale « Terre de l’île » (traduction du Breton Douarnenez), je crois bien que tout le monde à la maison y trouve son compte.
Lorsque j’ai décidé de me professionnaliser en 2014, j’ai découvert l’université des saveurs et des senteurs à Forcalquier, encore une fois dans les Alpes de Haute Provence. C’est la seule école qui délivre le titre de savonnier, un diplôme de niveau IV et qui permet donc l’appellation d’artisan. C’est là-bas que j’ai véritablement découvert ce qu’était le métier de savonnier et tout ce qui concerne la réglementation liée à ce métier.
Qu’est ce que la saponification à froid ? Pourquoi l’avoir choisi et en quoi diffère-t-elle des autres méthodes de fabrication ?
Je fabrique mes savons selon le procédé de saponification à froid. Cette méthode traditionnelle a été abandonnée par l’industrie cosmétique au profit de la méthode « à chaud » bien plus rapide et rentable.
A la base le savon c’est simple. C’est une matière grasse, ou plusieurs mélangées, à laquelle on ajoute un agent alcalin fort. Pour faire du savon solide l’agent alcalin utilisé est la soude. Le mélange des deux donne du savon et de la glycérine. Les savons à chaud produits industriellement sont privés de cette glycérine, les fabricants la retire lors de la fabrication et préfèrent la revendre comme ingrédient dans l’industrie cosmétique ou pharmaceutique où elle est très utilisée, la glycérine remplace les fonctions des lipides naturels de la peau, elle a un fort pouvoir hydratant et adoucissant. C’est en partie pour cela que trop souvent le savon industriel donne cette sensation de peau qui tiraille.
Les savonniers qui pratiquent la méthode SAF* (SAF* : saponification à froid) s’appliquent eux à garder cette précieuse glycérine. Aussi avec ce mode de fabrication il convient de chercher à rendre le savon sur-gras, ça veut dire que lorsque nous créons une recette nous dosons nos ingrédients de façon à ce qu’il n’y ait pas tout à fait assez de soude pour transformer toute l’huile en savon, ainsi le savon à froid est nourrissant, très doux pour la peau, il n’agresse pas, bien au contraire !
Dans la méthode à froid, le savonnier transforme les matières par petites quantités. Il a besoin de tiédir que très peu certain de ses ingrédients, c’est le cas de l’huile de coco ou du beurre de karité qui ont besoin d’être ramollis pour être bien travaillés. A l’atelier je n’utilise aucune grosse machine c’est une petite production peu énergivore. Une fois les huiles mélangées, il faut ajouter la quantité de soude nécessaire à la saponification. Rien n’est laissé au hasard, tout est minutieusement calculé, pesé. Après avoir mélangé jusqu’à l’obtention de la trace (épaississement de la pâte) c’est le moment de passer à l’étape des « ajouts », huiles essentielles pour le parfum, argiles, extraits de plantes, macérats, purée de fruits et légumes, l’imagination des savonniers est débordante. Il est alors temps de verser la préparation dans les moules. La chimie continue d’avoir lieu, selon les recettes et préférences, le moment de démouler et couper varie. Dans tous les cas, un minimum de quatre semaines de cure (séchage) est nécessaire avant d’enfin pouvoir utiliser le savon. Pendant ce temps, on les surveille, les retourne, on les bichonne, on peut comparer cette étape à l’affinage, comme pour les fromages ! En fin de cure toute la soude aura été transformée, il n’en reste plus une trace. Avant de le commercialiser il faut vérifier que le produit soit conforme à notre attente, vérification du poids, du PH…
J’ai mis près de deux ans à mettre au point mes formules, à essayer les moules que mon compagnon a fabriqué, et puis à me créer un espace dédié au travail. Une fois au point, j’ai constitué les dossiers nécessaires à la validation de toutes mes recettes, elles passent par un évaluateur qui a pour mission de garantir que les produits ne sont pas dangereux pour la santé humaine.
Faire du savon c’est magique, on imagine, on calcule, on test, on recommence, on modifie…C’est devenu une passion. Une formule est tout juste au point que je pense déjà à la prochaine création, comme un créateur haute couture pense à sa prochaine collection.
La fabrication du savon est-elle une tradition en Cornouaille ? En Bretagne ?
On sait que les Gaulois sont les premiers en Europe à avoir fabriqué volontairement du savon. On ne peut pas dire que la fabrication du savon est une tradition en Bretagne. Toutefois, mon grand-père (qui a 93 ans et est originaire d’Audierne) m’a raconté qu’en son jeune temps il n’était pas rare de fabriquer son propre savon dans les familles !
Quels sont les ingrédients qu’on retrouve dans vos savons ? Sont-ils tous naturels ? Comment les sélectionnez-vous ? Vous approvisionnez-vous localement quand c’est possible ?
Je n’utilise à ce jour que des huiles et des beurres d’origine végétale biologique, mes colorants sont tous d’origine minérale ou végétale, et je me sers des huiles essentielles pour parfumer mes savons. Toutes mes matières premières sont naturelles et de grande qualité, pourtant j’ai choisi de ne pas demander le label bio. Je lance mon activité, j’ai des priorités et ma conscience pour moi. J’ai un fournisseur qui lui est labellisé bio, il est super gentil, dommage qu’il soit installé si loin de chez moi ! J’ai contacté plusieurs producteurs installés dans la région, notamment pour les huiles essentielles mais malheureusement comme j’utilise de grosses quantités aucun n’est encore dans la capacité de fournir suffisamment. Par contre je suis actuellement sur une nouvelle recette, le prochain dans la gamme sera aux algues et là je n’aurai pas de problème d’approvisionnement.
Comment distribuez-vous vos savons ? Circuit-court ? Réseau de distributeurs locaux ou nationaux?
Pour la période des fêtes de Noël avec des amis, un potier et un artiste-peintre, nous avons loué une petite boutique au centre-ville de Douarnenez. Les savons ont connu un franc succès, et les rencontres avec le public étaient enrichissantes. Les consommateurs ont conscience qu’ils peuvent être consommacteur et qu’acheter local a de bonnes répercutions, je pense en premier lieu au niveau des relations humaines… Des personnes me croisent aujourd’hui dans la rue et me disent combien ils sont contents de mes savons. Ça me fait énormément plaisir et c’est encourageant, car tout ça c’est beaucoup de travail et les journées sont souvent trop courtes !
Le fait d’avoir eu pignon sur rue m’a donné l’occasion d’entrer en contact avec des distributeurs qui m’ont spontanément proposé de revendre mes savons. Je serai aussi sur les marchés dès les premiers beaux jours. Je distribue donc plutôt en circuit-court et locale. J’ai aussi un Facebook et les gens peuvent me contacter et faire des commandes en attendant d’avoir un site internet qui me permettra peut-être d’entrer dans un circuit de distribution international !!! 😉
Une idée de tarif ? Comparativement à ce que l’on peut retrouver ailleurs sur le marché ?
Je vends mes savons par 100g au prix de 6 euros, c’est en moyenne le prix d’un savon saponifié à froid. Le prix peut varier en fonction, des huiles utilisées – certaines huiles essentielles sont précieuses et valent très très chères, ou aussi suivant le packaging, certains savonniers proposent d’ailleurs deux prix, avec ou sans emballage.
Envie de nous dire quelque chose d’autre ? 🙂
Je crois bien qu’être savonnière c’est un art de vivre, j’apprends la patience, l’exigence, je vais à mon rythme, je me fais plaisir. Dans mon parcours j’ai toujours été guidée par le bien-être, et aujourd’hui il me parait important de se donner le temps pour prendre soin de soi et des autres dans cette société individualiste ou tout va si vite… Le savon est un plaisir simple de tous les jours que je propose à chacun de partager, un cadeau idéal quoi !
Merci !
Envie d’en sentir plus ?
Melle Dominique Le Floch
Savonnerie Artisanale
Terre de L’île
Allée du manoir Laënnec
29100 Douarnenez
06-84-55-07-48
terredelile@gmail.com
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