Bonjour Isabelle,
Tu diriges une épicerie vrac et zéro déchets à Pont-l’Abbé, dans le Pays Bigouden. J’ai plein de questions… mais commençons par la première d’entre elle : peux-tu te présenter s’il te plaît ?
Bonjour Steven,
Je suis avant tout Maman d’une adolescente et d’une fillette de 7 ans qui se posent beaucoup de questions sur la dégradation de la nature. Je m’en sens pour partie responsable, alors j’expérimente au quotidien depuis très longtemps des modes de fonctionnement de moins en moins énergivores.
Dans ma précédente vie professionnelle, j’étais cadre dans un grand groupe bancaire. J’ai bénéficié de leur soutien pour ma reconversion et mon installation. Même si je n’y trouvais plus l’adéquation à mes valeurs, je leur suis reconnaissante de m’avoir permis cette expérience.
Et du coup, pourquoi une épicerie vrac et zéro déchets à Pont-l’Abbé ?
D’abord le Vrac et ZD, car j’avais déjà entamé la démarche (et ça continue car on apprend tous les jours). Mon objectif était vraiment de travailler dans l’économie circulaire, la transformation de déchets en ressources.
Ensuite, l’épicerie, car adolescente je gagnais mon argent de poche en travaillant en boulangerie Bio et j’adorais ce contact avec les clients. Vendre des produits sains et goûteux m’ont inculqué ces valeurs de respect du travail (le boulanger qui se lève tôt, le meunier, le paysan, le grain, la terre…).
Enfin Pont l’Abbé car c’est vraiment ma « zone de cœur ». J’habite entre Kemper et Penmarc’h et Pont l’Abbé est l’une des dernières villes où les commerces sont indépendants, le stationnement est gratuit (parfois rare !).
La Bigoudénie est un repaire de maraîchers, de créateurs, d’artisans incroyables, tu en sais quelque chose.
Absolument ! 😉
On parle zéro déchets et vrac, ce qui est très bien. Mais parlons également local ! Tu proposes beaucoup d’aliments de producteurs locaux ?
C’est LE sujet permanent de recherche, d’arbitrage et de choix.
Pour les légumes, les maraîchers bio vendent prioritairement en direct et avec le coup de froid de Juin, il y a du retard. Par exemple, en attendant les locales, je fais le choix de tomates de Tarascon bio et pleine terre, plutôt que de la serre chauffée à quelques kilomètres. Heureusement, Gwenvez m’approvisionne un peu pendant cette longue attente printanière !
Cependant, c’est important d’avoir du choix, car c’est une épicerie de Centre Ville et cela me permet de faire de la pédagogie auprès de ceux qui ont, pour le moment, très peu de sensibilité écologique. D’ailleurs, c’est un de mes grands plaisirs que de voir revenir les clients avec leurs contenants et garnir de plus en plus leur panier de produits souvent inconnus jusqu’alors, avec juste ce qui leur faut en quantité. Les habitudes changent en douceur mais en profondeur j’espère et relocaliser l’économie est un enjeu fondamental : acheter moins, meilleur, terroir et de saison permet réellement de maîtriser son budget.
En revanche, pour les cosmétiques solides, j’ai depuis le début une complicité avec Anne Cécile Decoux de St Jean Trolimon qui propose ses savons à la coupe. J’ai une veille permanente sur la recherche de véritables partenariats.
Le seul et Unique Miel d’abeilles noires de Pont l’Abbé est ici ainsi que les confitures d’Iza (75% fruits, miam !). Pour le Pain, les Pont l’abbistes ont leurs habitudes auprès des boulangers bio locaux qui font des merveilles, mais je vais chaque matin (non pluvieux) à Messidor à vélo pour proposer une variété de pains transportés en Begood’n’Bike.
Le mouvement des épiceries vrac, zéro déchets et local est en plein boom actuellement. Tu en penses quoi, toi ? C’est l’avenir ? Pourquoi les consommateurs plébiscitent ce type de commerce ?
J’espère bien que c’est l’avenir ! (rire). Il y a une prise de conscience écologique et sociale que je constate chez chacun de mes clients. C’est souvent les trentenaires qui sont complètement rodés au mode de vie ZD.
Ils sont parfois prescripteurs auprès de leurs parents, la génération des « baby boomers », qui a vu se développer l’offre pléthorique « beaucoup, partout, tout le temps », habituée aux pleins de courses dans les grands caddies avec la moitié qui part à la poubelle une fois les emballages retirés. C’est amusant de voir un jeune homme expliquer à sa mère comment avec, juste un peu de bica, de vinaigre et de pur savon il entretient toute sa maison et son linge !
J’ai plusieurs clientes, carnet de compte à l’appui, qui constatent de vraies économies à venir en petite boutique car on achète moins, juste de quoi remplir les sacs à vrac ou le bocaux. La qualité est supérieure donc on arrive plus vite à satiété et contrairement à la GMS, il n’y a pas de neuromarketing qui vous pousse à acheter n’importe quoi. En plus c’est vécu comme un moment sympa et plus la corvée du samedi avec la foule, la sur-sollicitation des sens (bruits, lumière, couleurs, marques…).
Les personnes plus âgées, elles aussi se réjouissent de voir revenir le bon sens qu’elles ont connu autrefois, à une époque où on ne gaspillait pas. De plus, le fait qu’il y ait une personne en permanence, que l’on puisse poser des questions, très souvent sur la provenance des produits, sur les nouveautés, est essentiel.
Enfin, cela simplifie l’approvisionnement car parfois acheter local, c’est aussi faire beaucoup de kilomètres pour trouver les produits dans différentes fermes ou marchés de producteurs à des heures et sur des jours précis. Là, tout est au même endroit, du mardi au samedi 10h30/19h30.
Parlons zéro déchets. Si tu devais nous donner tes trois meilleures astuces au quotidien pour éviter facilement certains déchets… ça serait quoi ?
- 1/ Faire ses menus et sa liste de courses à l’avance.
Une base immuable sur les repas de la semaine ( ex : lundi pâtes, mardi riz, jeudi lentilles, etc…). Comme ça on ne se pose pas la fatidique question « ksk’on mange » en rentrant du boulot ! On applique la saisonnalité sur les accompagnements (carbonara l’hiver, tomate-basilic l’été). Ensuite, des plats plus élaborés, plus mijotés le weekend à congeler directement dans les plats en verre ou au frigo avec des wraps qui prolongent la conservation sur plusieurs jours.
- 2/ Vérifier l’état des stocks avant de faire les courses.
Pour cela, les bocaux sont l’idéal : beaux, fonctionnels, en un coup d’œil on voit ce qui manque.
- 3/ Désencombrer régulièrement en vidant ses placards pour éviter les produits périmés, les achats impulsifs de trucs qui ne servent qu’une fois pour une hypothétique recette compliquée.
Encore un avantage du vrac. Si vous testez un plat au cumin, n’achetez que 20 grs de cette onéreuse épice. Cela permet de varier les expériences culinaires pour pas trop cher ! L’impression que le frigo et les placards sont vides est une sorte de barrière psychologique à franchir. Quand c’est fait, tout devient très simple. On gagne de la place, du temps de ménage en moins et surtout, on applique le principe à toute la maison
Excellent ! Merci beaucoup pour toutes ces réponses. ! Est-ce que tu souhaites rajouter quelque chose ? »
LE CONSEIL ULTIME : ALLEZ Y PETIT A PETIT.
Chaque sac, emballage plastique évité, c’est une petite victoire qui vous transforme de con-sommateur en véritable acteur de vos choix et décisions.
Très grand MERCI pour cette interview STEVEN, tu passes quand tu veux pour le kawa !!!
Un plaisir !
Et promis, je passerai… dès qu’on me propose un kawa, je ne peux que dire OUI ! 😀